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Olivier KAHOLA TABU
Membre associé, Docteur en Sciences Politiques et Sociales, orientation anthropologie
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Présentation des recherches
Sujet de thèse : Ménages et pratiques de solidarité à Lubumbashi. Transfert des parents, stratégies de cohésion et vie conjugale, Faculté des Sciences Sociales et politiques, Section des Sciences Sociales, LAMC, ULB, Bruxelles, 2013
Thèse défendue avec succès à l’ULB le 15 mars 2013. Sous la direction de Pierre Petit.
Membres du jury : Bouju, Jacky; Joiris, Véronique; Hilgers, Mathieu; Rubbers, Benjamin.
L’hébergement des parents est un phénomène courant dans le système familial africain. Il est l’expression de la solidarité dite africaine. Au-delà de cette essentialisation apparente de cette dernière, il faut chercher à comprendre les logiques qui sous-tendent le choix des parents à héberger, les problèmes des interactions sociales dans la sphère domestique où les liens de parenté sont hétérogènes, les stratégies qu’érigent les hébergeurs pour maintenir la cohésion, etc. Ces réalités de coulisses sont-elles occultées au profit de la sentimentalisation de cette solidarité ?
Pour mieux cerner ce phénomène, cette étude pénètre ces pratiques et permet d’avoir un contour presque global de l’autre face de la solidarité en question. Elle voudrait aller au-delà des discours et idéologies solidaristes africaines et montrer que l’hébergement des parents n’est ni gratuit ni spontané. Il est électif, discriminatoire et obéit à une logique de réciprocité différée. Si le discours tenu en public continue à se référer à une appartenance commune, les actions posées ne vont pas toujours dans le sens de l’intérêt commun. Elles relèvent d’un ensemble d’enjeux, de tactiques et de conventions sociales tacites qui attirent les uns, tout en excluant les autres. Pour cela, les hébergeurs érigent divers critères implicites de sélection des hébergés parmi lesquels l’âge, les rapports de genre et les relations à plaisanterie.
Toutefois, malgré la réalité desdits critères, l’intégration des parents est une lourde charge à assumer dans un contexte d’habitat et de salariat urbains et reste aussi une source de plusieurs frustrations. Elle augure des scènes douloureuses.
Dans les ménages moyens et pauvres, les conjoints n’ont presque pas d’espace intime. Pour faire l’amour, les époux sont contraints d’inventer diverses stratégies de dissimulation des rapports sexuels. Ce sont notamment faire l’amour en posant le matelas sur le pavement, diffuser de la musique pour camoufler l’acte sexuel, profiter de l’absence des enfants du ménage ou des parents hébergés. Les parents hébergés sont tout autant frustrés que les hébergeurs. Plusieurs d’entre eux passent la nuit dans de mauvaises conditions. Ils aménagent un espace au salon et sont communément appelés « Salomons ». Ils se couchent généralement tard et se réveillent tôt parce que les hébergeurs ne savent pas leur offrir un logement décent. Certaines femmes hébergées sont agressées sexuellement par les maris ou les adultes du ménage à cause de la promiscuité dans le logement. De même, certains parents hébergés se séduisent et ont des rapports sexuels.
De même, diverses formes de violences physiques et psychologiques entre les hébergeurs et les hébergés sont relevées. Une preuve que les ménages d’accueil ne sont pas toujours de bons cadres de socialisation. Les hébergés sont insultés, frappés, humiliés et accusés, parfois faussement, de forfaits qu’ils n’ont pas commis. A leur tour, ils infligent des sévices corporels soit à l’épouse, soit aux enfants du ménage. Ces réalités ne sont pas exposées en public pour préserver l’image élogieuse de la solidarité alors que, dans les coulisses, s’exécutent des inhumanités insoupçonnées.
Si la solidarité apparente est fréquemment brandie, je relève d’autres réalités qui sont cachées, ce sont celles liées aux dons cachés envers les familles d’origine des conjoints. Pour leur valorisation sociale, les conjoints transfèrent plusieurs dons aux proches parents à l’insu du partenaire abusé. Au-delà du paradigme des solidarités communautaires, les dons cachés sont déterminés par les rapports prescriptifs de genre. Ceux-ci sont sous-tendus par les normes matrimoniales et les règles d’héritage.
Dans une société où les maris sont considérés comme étant les chefs de ménage, ils doivent entretenir leur épouse et assister leur belle-famille. Quand celle-ci ne tire pas profit du mariage de leur parente, l’union relève de la honte. Les épouses quant à elles, restent attachées à leur famille d’origine. Elles se considèrent comme des étrangères dans le ménage qu’elles fondent. De ce fait, elles ne doivent pas investir leur argent dans une famille qui ne leur appartient pas. En cas de divorce ou de décès du mari, le partage des biens accumulés n’est jamais équitable. Pour se prémunir contre ces inégalités sociales, les épouses transfèrent divers dons dans leur famille d’origine. Elles vont jusqu’à l’endettement de leur ménage au profit de leur famille d’origine, de sorte qu’en cas de problèmes, les membres de leur famille ne puissent pas refuser de les soutenir et de les héberger. Il y a là une assurance symbolique que l’épouse recherche à travers les dons cachés.
De même, le mari, en tant que chef de ménage, n’a pas à informer l’épouse de ce qu’il pose comme actes de bienfaisance à sa famille. Dans la quête de cette valorisation sociale, les conjoints ponctionnent de l’argent, volent des biens du ménage et incriminent les parents hébergés. Ces comportements peuvent être qualifiés d’immoraux. Quand une épouse soutire de l’argent à son mari et aide ses proches parents, cela n’est pas immoral. L’acte posé va dans le sens de l’honneur d’un parent qui se montre attentif envers sa famille de provenance.
Ces pratiques de coulisses ne posent-elles pas la question des limites dans l’exercice des solidarités familiales ? Comme on le remarque, l’hébergement des parents n’est qu’un pan de la réalité. Pour faire simple, il convient de noter qu’il se passe plusieurs pratiques qui remettent en cause l’objectivation de la solidarité. Quand les conjoints se volent mutuellement, ou que les parents hébergés sont violentés ou infligent des sévices physiques aux enfants du ménage, ou encore que les hébergés entretiennent des rapports sexuels, cela n’est-il pas le revers de la solidarité ?
Travaux sélectionnés
PUBLICATIONS
Kahola Tabu Olivier 2023, Célébrer son mariage à Lubumbashi, Editions L'Harmattan, Collection Cahiers Africainshttps://www.laboutiqueafricavivre.com/livres/235696-243004-celebrer-son-mariage-a-lubumbashi-9782140354137.html
Kahola Tabu Olivier 2022, Elites féminines et nuptialité. Regards sur l'émancipation et les rapports de genre à Lubumbashi, Editions Academia L’Harmattan, Louvain-la-Neuve.
https://www.editions-harmattan.fr/livre-elites_feminines_et_nuptialite_regards_sur_l_emancipation_et_les_rapports_de_genre_a_lubumbashi_olivier_kahola_tabu-9782806106834-74201.html
Kahola Tabu Olivier et al. 2019, « Le petit commerce et la vente au détail dans la ville de Lubumbashi (Katanga/RDC) » in Frédéric Lapeyre et Simon Barussaud (dir.), la formalisation vue d’en bas. Enjeux pour la transition vers l’économie formelle, Editions Academia L’Harmattan, Louvain-la-Neuve, Collection Espace Afrique, n°22, pp. 299-339.
Kahola Tabu Olivier et Sylvie Ayimpam 2017, « Le Mobile Banking au Congo : Une innovation qui séduit dans un contexte de méfiance des banques »(avec Sylvie Ayimpam), La Microfinance n°3, p. 64-67.
Kahola Tabu Olivier 2015, « L’accès à l’emploi à Lubumbashi », Revue Autrepart 2015/2, n°74-75 : 241-258
Kahola Tabu Olivier 2014, Les ménages à Lubumbashi. Hébergement des parents et vie domestique, Editions Academia, Collection Espace Afrique, http://www.laboutiqueafricavivre.com/livres-sociologie/9817-menages-a-lubumbashi-de-olivier-kahola-tabu-9782806101709.html
Kahola Tabu Olivier 2014, « Dons cachés, normes matrimoniales et règles d’héritage dans les échanges au sein des ménages à Lubumbashi » in Simon Laflamme et Pascal Roggero, sous le thème de l’échange, Nouvelles perspectives en sciences sociales, volume 9, numéro 2, 2014, p. 159–185. http://www.erudit.org/revue/npss/2014/v9/n2/1025974ar.html?vue=resume&mode=restriction
Kahola Tabu Olivier 2014, “Ordinary violence towards street children (shegue) in Lubumbashi (D.R.C)”, in Jacky Bouju & Mirjam de Bruijn, 2014, Ordinary Violence and Social Change in Africa, Coll. Afrika-Studiecentrum Series. Leiden: Brill Publishers. https://brill.com/view/book/edcoll/9789004272569/B9789004272569-s010.xml
Kahola Tabu Olivier 2014, « Se loger dans la débrouillardise à Lubumbashi » in Revue le point en sociologie, n°11, Presses Universitaires de Lubumbashi, Lubumbashi, pp. 130-154.
Kahola Tabu Olivier 2013, « Nostalgie coloniale et rapports ambivalents des Lushois face aux Chinois », Croisements, revue francophone de sciences humaines d'Asie de l'Est, n°3, pp.148-165.
Kahola Tabu Olivier 2013, « Entre l’idéal et la réalité de la collecte des données : quelle posture prendre sur la déontologie le contexte d’une recherche de terrain » in Cahiers congolais d’études politiques et sociales, n°30, Presses Universitaires de Lubumbashi, Lubumbashi, pp. 130-154.
Kahola Tabu Olivier 2012, Réflexion sur les marqueurs du respect de soi in Cahiers congolais d’études politiques et sociales, n°28, Presses Universitaires de Lubumbashi, Lubumbashi, pp. 9-26.
Kahola Tabu Olivier 2010, Négocier une grossesse : croyances et pratiques autour du bébé à Lubumbashi in Kayamba Badiye, République Démocratique du Congo : Parcours d’un demi-siècle de souveraineté (Likundoli), Presses Universitaires de Lubumbashi, Lubumbashi, pp. 143-162.
Kahola Tabu Olivier 2009, « Enjeux méthodologiques du genre d’enquêteurs dans la récolte des données à Lubumbashi » in Questions méthodologiques, conscience nationale et famille (Likundoli), vol.XXV. Presses Universitaires de Lubumbashi, pp. 6-43.
Kahola Tabu Olivier et Benjamin Rubbers 2008, « L'ambivalence des rapports entre pouvoirs publics et enfants de la rue à Lubumbashi (RDC) », in Autre part (Variations et dynamiques urbaines), n°47, p.256.
Kahola Tabu Olivier et Mutete Sapato 2007, « L’eau potable, source d’angoisses » in - Pascal Laviolette (Ed.) Magazine de la coopération belge en République Démocratique du Congo & co, Kinshasa, n°3, novembre 2007, pages 28-29.
Kahola Tabu Olivier et Mutete Sapato 2007, « Lubumbashi, ville à réinventer », in Pascal Laviolette (Ed) Magazine de la coopération belge en République Démocratique du Congo & co, Kinshasa, n°3, novembre 2007, pages 24-27.
Kahola Tabu Olivier 2006, « Une semaine d’enquêtes ethnographiques dans les commissariats de Lubumbashi » in Théodore TREFON et Pierre PETIT (éd), Expériences de recherche en République Démocratique du Congo. Méthodes et contextes, Bruxelles : Civilisations, Vol. LIVn, n°1-2, pp. 25-32.
Kahola Tabu Olivier 2005, « La violence quotidienne des enfants de la rue : bourreaux et victimes à Lubumbashi » in Jacky Bouju, Mirjam de Bruijn (éds), Violences sociales et exclusions, Bulletin APAD, n°27-28, pp. 109-120.
Kahola Tabu Olivier 2005, « Se marier à Lubumbashi », in Danielle de Lame et Donatien Dibwe dia Mwembu (éd), Tout passe instantanés populaires et traces du passé à Lubumbashi. Africa Studies, n°71, Paris: L'Harmattan., pp. 153-189.
Kahola Tabu Olivier et Aimé Kakudji 2004, « Préférences et rejets des aliments et boissons », in Pierre Petit (éd), Byakula : approche socio-anthropologique de l’alimentation à Lubumbashi. Bruxelles: Editions Académie royale des sciences d’outre-mer, pp. 160-170.
Kahola Tabu Olivier et Aimé Kakudji 2004, « Les interdits alimentaires », in Pierre Petit (dir.), Byakula : approche socio-anthropologique de l’alimentation à Lubumbashi, Bruxelles: Editions Académie royale des sciences d’outre-mer. Pp.332-338.
Kahola Tabu Olivier et Gabriel Kalaba Mutabusha 2004, « Les repas des cérémonies familiales », in Pierre Petit (éd), Byakula : approche socio-anthropologique de l’alimentation à Lubumbashi, Bruxelles: Editions Académie royale des sciences d’outre-mer. pp.340-346.